L’origine du concept de contrôle coercitif [C3]
Prisonniers de guerre
L’incompréhensible « collaboration » de nombreux prisonniers de guerre américains pendant la guerre de Corée a été un choc pour la société civile et militaire américaines (seuls 5% des 7’190 militaires capturés n’avaient pas « collaboré »). Le sociologue Albert Biderman a élaboré en 1957 les principes portant son nom pour illustrer les méthodes de torture chinoises et nord-coréennes sur les prisonniers de guerre américains pendant la guerre de Corée. Ces méthodes sont :
a) Isoler la victime,
b) Monopoliser la perception,
c) Induire l’épuisement,
d) Présenter des menaces,
e) Montrer des indulgences occasionnelles,
f) Démontrer la toute-puissance et l’omniscience du ravisseur,
g) Dégrader la victime et
h) Exiger des actions stupides et insensées.
Amnesty a repris cette grille telle quelle dans le contexte de la violence domestique (ici)
Camps de concentration etc.
Judith Herman, professeure de psychiatrie clinique à la Harvard Medical School, à qui l’on doit la conceptualisation du psychotraumatisme complexe, a analysé de milliers de cas de trauma chez les prisonniers de guerre, de terreur politique, des camps de concentration et d’extermination, les victimes de prise d’otages et de violence domestique.
Dans toutes ces situations de captivité, elle avait déjà constaté que, par le contrôle qu’il prend sur la victime, l’auteur des violences devient « la personne la plus puissante dans la vie de la victime, et la psychologie de la victime est façonnée par les actions et les croyances de l’agresseur ».
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Dans la sphère familiale
Dans son article “Apples and oranges in child custody disputes: intimates terrorism vs situational couple violence” de 2006 M. P. Johnson qualifiait déjà le C3 de « terrorisme intime« .
Evan Stark a théorisé le concept de C3 dès 2007 dans son livre « Coercive control: How men… ». Il affirmait que la justice pénale et les réponses sociales à la violence domestique ne répondaient pas aux besoins des victimes et devaient être transformées de toute urgence parce qu’elles concevaient à tort la violence domestique comme des incidents ou des épisodes de violence discrets. Cette conception de la violence domestique basée sur les incidents de violence ne tient pas compte du fait que les auteurs de contrôle coercitif utilisent de nombreuses autres tactiques abusives en plus de la violence – y compris la violence émotionnelle/psychologique, la surveillance et la micro-régulation, l’isolement et l’abus économique – et qu’ils utilisent ces tactiques en permanence. Les victimes/survivantes du contrôle coercitif sont donc constamment maltraitées, même s’il n’y a pas eu d’incident violent depuis des mois, voire jamais.
Jane Monckton Smith a identifié 8 étapes menant à la mise à mort du partenaire et éventuellement le suicide de l’auteur:
Étape 1 : Antécédents : des antécédents de contrôle ou de harcèlement
Étape 2 : Début de la relation : le tourbillon de l’engagement
Étape 3 : Relation : dominée par le contrôle
Étape 4 : Déclencheur : un événement qui remet en question le contrôle
Étape 5 : Escalade : escalade du contrôle ou avènement du harcèlement criminel
Étape 6 : Changement de mentalité : changement d’orientation
Étape 7 : Planification : planification d’un homicide/féminicide
Étape 8 : Mise à mort et/ou suicide
Les enfants sont particulièrement impactés lorsqu’un parent exerce du C3 sur l’autre figure parentale et de facto sur les enfants.
Emma Katz mentionne les comportements suivants de l’auteur causant des préjudices causés aux enfants:
– Isolement et contrôle du temps, des mouvements et des activités
– Saper l’éducation des enfants
– Emprisonnement et négligence
– Abus sexuels des enfants
– Prévenir les interactions mère-enfant
– Harceler
– Contraindre et déformer le comportement des enfants
– Punir les enfants pour leur résistance au contrôle coercitif
– Déformer la dynamique familiale avec un sentiment d’hyper-droit
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Camps de concentration etc.
Dans la sphère familiale
Références
M.-P. Johnson, “Apples and oranges in child custody disputes: intimates terrorism vs situational couple violence”, Journal of Child Custody, 2 (4), 2006, p. 43-52
Evan Stark
« Coercive Control: How men entrap women in personal life », Oxford Universitiy Press, 2007
« Children of coercive Control », Oxford Academic, 2024
Jane Monckton Smith
In Control. Dangerous relationships and How They End in Murder, Bloomsbury Publishing, 2021
Emma Katz
« Coercive Control in Children’s and Mothers’ Lives », Oxford Universitiy Press, 2022
«Contrôle coercitif, tribunal de la famille et thérapie systémique et familiale : une combinaison infernale», mars 2025