Je me suis rendu en Angleterre, en Italie et en Suisse pour documenter le féminicide en Europe. Partout, les mêmes mécaniques se retrouvent, les mêmes schémas. Partout, les femmes ne sont pas assez protégées. Le féminicide n’est pas un fait divers, c’est un problème de société. Mélanie, Nunzia et Holly n’avaient pas grand chose en commun, et pourtant, elles ont toutes vécu la même histoire.
https://www.rts.ch/audio-podcast/2025/audio/pourquoi-toujours-autant-de-feminicides-28986583.html
La Suisse a enregistré 23 féminicides depuis janvier 2025, dépassant déjà les chiffres des années précédentes. Le Point J décrypte ce phénomène avec Mathilde Boyer, avocate stagiaire et doctorante à l’Université de Lausanne, spécialiste des violences conjugales.
“Il n’y a pas assez de mesures qui sont prises au niveau suisse, de manière globale et tenant compte de tous les acteurs du terrain pour vraiment mettre en place un suivi des violences dès les premiers signes”, explique Mathilde Boyer. L’absence de statistiques officielles sur les féminicides en Suisse complique la lutte contre ces crimes.
Contrairement à l’Espagne, pionnière dans ce domaine, la Suisse n’a pas mis en place de surveillance électronique active des auteurs de violences. “En Espagne, depuis la mise en place du bracelet électronique actif, il n’y a pas eu de victimes qui bénéficiaient de cette mesure qui ont été victimes de féminicides”, souligne l’experte.
En Suisse, c’est à la victime de prendre l’initiative pour demander de l’aide, qu’il s’agisse de la mise en place d’un bracelet électronique ou de l’expulsion du conjoint du logement commun. Une démarche qui peut être intimidanteMathilde Boyer, avocate-stagiaire et doctorante à l’Université de Lausanne, où elle écrit une thèse sur la façon dont le droit pénal traite les violences conjugales.
Le budget alloué par la Confédération à la lutte contre les féminicides semble insuffisant face à l’ampleur du problème. “De nombreux domaines auraient besoin de plus de budget, que ce soit la prévention, la détection ou les foyers d’accueil”, détaille Mathilde Boyer.
Néanmoins, les choses évoluent aussi. En juin dernier, face au nombre élevé de féminicides, la Confédération, les cantons et les communes ont défini trois mesures urgentes: augmenter le nombre de places dans les foyers d’accueil, analyser systématiquement chaque féminicide, et renforcer la prévention de la violence lors des phases de séparation.
Comment mieux prendre en charge les femmes lors des séparations, période particulièrement à risque? Comment fonctionne la surveillance active? Qu’est-ce que le contrôle coercitif?
D’autres Point J à écouter :
- Comment vont les garçons (série Adolescence)?, 31 mars 2025
- Comment lutter vraiment contre les féminicides?, 2 novembre 2021
- Pourquoi des hommes tuent des femmes?, 13 septembre 2022
En finir avec les féminicides – État des lieux, prises en charge et interventions
Résumé
En France, malgré l’amélioration de l’arsenal législatif, le nombre de femmes tuées, menacées d’être tuées, qui se suicident ou essayent de se suicider ne baisse pas. Il s’agit d’un constat effrayant. Le féminicide ne concerne pas seulement deux personnes, victime et agresseur, mais a aussi des effets dévastateurs sur les enfants et les proches de la victime. Pour prévenir les féminicides, il est urgent qu’une modification des représentations concernant la gravité des violences faites aux femmes et des conséquences sur leurs enfants ait lieu. Par leur expertise de terrain, les contributeurs de cet ouvrage travaillent ainsi à la transformation des pratiques pour qu’elles deviennent protectrices.
Karen Sadlier
Docteure en psychologie clinique et psychopathologie, spécialisée dans la prise en charge des enfants, adolescents et adultes victimes de violences.
Ernestine Ronai
Responsable de l’Observatoire départemental de Seine-Saint-Denis des violences envers les femmes. Co-fondatrice et co-coordonnatrice du Diplôme universitaire « violences faites aux femmes » (Université Paris 8).
Avec la collaboration de :
Yadira Cortes Castillo : coordinatrice de l’association Red Mesa de Mujeres de Ciudad Juarez au Mexique.
Christian Chevau : formateur au Centre national de formation de la gendarmerie nationale jusqu’en 2024.
Édouard Durand : magistrat, président du tribunal pour enfants de Pontoise, Co-fondateur et co-coordonnateur du DU « violences faites aux femmes » (Université Paris 8). Co-président de la Commission indépendante inceste et violences sexuelles faites aux enfants de 2021 à 2024.
Mathilde Delespine : sage-femme, coordinatrice de la maison des femmes de Rennes.
Clémentine Rappaport : pédopsychiatre, cheffe de service du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Ballanger.
Patrick Poirret : magistrat, avocat général à la Cour de Cassation.
Résumé
Alors présidente de la cour d’assises de Versailles, Isabelle Rome se voit confier une affaire qui sera, à l’époque, peu médiatisée. Nous sommes en 2018, la vague #MeToo n’a pas déferlé dans le milieu judiciaire ni le terme ” féminicide ” percé la bulle des cercles militants.
En s’appuyant sur les trois jours du procès, la magistrate reconstitue la trajectoire d’un couple, celui d’Éliane et Jean-Pierre V. – une histoire malheureusement banale, mais emblématique de la mécanique des féminicides, notamment sur la notion de contrôle coercitif. Car, de toutes ces femmes qu’elle ne voit plus qu’en photo parce que tuées de la main de leur conjoint, Isabelle Rome en tire une conviction qui fera son engagement : cette violence invisible mais destructrice se retrouve à chaque fois. Comment se met-elle en place ? Quels sont les ressorts à l’oeuvre ? Pourquoi est-il si difficile d’en donner une définition juridique ?
La fabrique d’un féminicide d’un point de vue subjectif assumé – celui d’une magistrate considérée aujourd’hui comme l’une des plus acquises à la cause des femmes.